Hip Hop evolution est une série/documentaire canadienne produite par Netflix retraçant les 50 années du Hip-Hop aux Etats-Unis. 4 saisons, 16 épisodes de 50 minutes pour tout connaître de ce noble art qu’est le Hip-Hop.

La série suit les allées et venues dans tout le pays du rappeur et animateur radio Shad à la rencontre des principaux acteurs de la scène Hip-Hop des années 70 à aujourd’hui. Récompensée en 2016 d’un Emmy pour la meilleure série documentaire catégorie musicale, Hip-Hop Evolution traite aussi bien les artistes, les thèmes récurrents dans la musique, que les outils qui ont permis au Rap de devenir la musique la plus écoutée au monde.
Les pionniers
D’où vient le rap ? D’où viennent ses influences ? C’est principalement du funk et de la pop que le rap a puisé ses premières influences et son parrain est DJ Kool Herc. En reprenant des beats inspirés par le funk et la musique dansante, le Hip-Hop pose ses premières rimes en pantalon pattes d’eph et coupe afro sur un débit ultra rapide. C’est les années 70 et Afrika Bambaataa qui impulsent les bases d’une musique qui va connaître des évolutions profondes en peu de temps. Car les pattes d’eph et les déguisements ne réunissent qu’un temps. Le Rap trouve des similitudes avec le rock, l’esprit fougueux et la rage du beat fait naître RUN DMC, trio légendaire pour ses Adidas et leur collaboration avec Aerosmith, célèbre duo du rock des années 80. C’est à ce moment-là que le rap s’implante à New York avec Rakim et Public Ennemy. Rakim a souvent été considéré comme le rappeur le plus talentueux de sa génération, faisant du flow une vraie marque du Hip-Hop.
Mais le rap doit aller plus loin et faire passer un message. La réalité des ghettos se faisant de plus en plus dure, le crack arrive dans les quartiers de Compton, banlieue de Los Angeles dans les années 80 et ravage tout sur son passage. Des jeunes de Compton décident de rapper la réalité des rues, de se défendre face aux violences policières, c’est la naissance d’un des groupes les plus influents du Hip Hop : NWA. Yo Dre, I Got Something to Say. La côte Ouest des USA montre son visage et lance un message à NY. Chose extrêmement importante, les groupes ont une place importante dans le documentaire et on leur rend hommage d’une belle manière.

Le tour des USA
Maintenant que Los Angeles est placé sur la carte, les rivalités éclatent entre les deux clans, New York ville pionnière revendique la naissance du Hip-Hop tant dis qu’à l’Ouest, le Rap poursuit son engagement politique notamment avec Ice-T et son titre contre la police, 6 in the Morning. L’engagement politique continue avec le mouvement black Panther dans les années 80 et une musique qui se veut influencée par l’héritage Africain, c’est la naissance d’une musique identitaire, mettant au premier plan les origines africaines des artistes, initiée par le producteur De la Soul. Ce sont les débuts de Tupac Shakur, jeune rappeur talentueux qui va se retrouver dans cette musique et placer La Baie de San Francisco sur la carte des Etats-Unis. Mais La Baie est surtout connue pour sa musique sexualisant, et sa star MC Hammer, un artiste venu de nulle part devenu la première popstar du Hip-Hop.
D’autres villes vont connaître leur première gloire, comme Miami et Houston et vont profiter du clivage EST/OUEST pour dévoiler leur style, une musique plus lente où les beatmakers jouent sur le côté chaud du Sud des Etats-Unis pour imposer leurs pattes notamment avec 2 live Crew.
Place à une nouvelle génération de rappeur, la décennie 90 voit apparaître les plus grands talents que le Rap n’ait jamais connu, Notorious BIG, Nas et l’immense collectif du Wu-Tang-Clan. C’est grâce à la qualité des intervenants que l’on peut se rendre compte de l’importance qu’ont eu ces deux rappeurs sur la scène New-Yorkaise. La grande force de cette série/documentaire c’est la qualité de ces intervenants, tous issus de la scène Hip-Hop, ayant fait leurs armes avec ces artistes-là. On dit souvent que ce sont les autres qui parlent le mieux de nous, ça se confirme.
Le rap se saborde
On connaît tous les multiples théories sur les morts de ces deux légendes que sont 2Pac et BIG. Le début de la saison 3 aborde cette amitié devenue rivalité par une série de maladresse et de quiproquo. Le rap dans ce qu’il a fait de plus triste. Le décès de 2pac à 24 ans, étoile montante d’un art qu’il révolutionne quasiment à lui tout seul est une immense tragédie. Celle un an plus tard de Big dans son coin de Brooklyn est la suite inévitable d’une affaire qui ne pouvait se résoudre que par la disparition de ces deux ogres du Hip-Hop américain. Très bien détaillé, expliqué et raconté par les acteurs du conflit et les proches des deux défunts notamment par Lil Kim proche de BIG, ces deux épisodes racontent comment le Rap s’est sabordé.

Le Rap des années 90 ne se résume pas à ces deux monstres, même si leur importance sur la scène est conséquente. Détroit fait partie des endroits où il faut être grâce à un jeune blanc, blond nommé Eminem. Détroit est l’endroit des clashs, des Open Mic, où la concurrence est rude, Fat Joe en sera même écarté, c’est dans les quartiers et les Opens Mic que Eminem se fera un nom tout en perfectionnant son style. Si vous ne l’avez toujours pas vu le film 8 miles qui retrace son ascension est très bien réalisé.
Si le rap est aussi important dans nos playlists c’est grâce à une ville en particulier, Atlanta. Capitale de la trap, cette ville du Sud des Etats-Unis, a vu émerger deux génies, Big Boy et André 3000 qui forme le groupe Outkast, une musique réaliste, inspiré par la ville. Pas réellement fan de Outkast au départ j’ai pris un immense plaisir à écouter leur discographie. Atlanta est également la ville de la Donjon Family, collectif né d’un sous-sol d’une maison de banlieue qui a permis à cette ville marquée par l’histoire et Martin Luther King de se faire respecter à une époque où le rap débute sa démocratisation.
Les superproductions amènent une nouvelle sonorité
Le Hip-Hop, partout dans le pays défend des codes bien précis, les sonorités correspondent à des styles, des villes, des traces d’un héritage musicale encore présent comme c’est le cas à la Nouvelle-Orléans avec le jazz. Master P, producteur de génie est à l’origine d’un style bien particulier, la bounce music et un style de danse… le twerk. Pourtant issu des soirées discothèques de Floride et du Sud des USA, le twerk est encore aujourd’hui le style de danse qui colle au Hip-Hop. Le rap ne se fait plus qu’à NY ou à LA, Atlanta, Detroit, Miami, Houston et maintenant Memphis avec Lil John, qui crée le crunk. Pour décrire le crunk très simplement : une voix grave, des onomatopées, des « hey » sur le refrain de morceau de Usher, enfin bref un rap qui fera bouger les foules pendant des années.
Début des années 2000, la scène Hip-Hop commence à vieillir et voit apparaitre les premiers gros producteurs, dont un originaire de la Nouvelle Orléans, ville déserte coté rap, Pharrell Williams. Pharrell Williams et Chad forment le duo Neptunes et élargissent la palette sonore des rappeurs. C’est à cette époque que monte en flèche le succès de Timbaland et de Missy Eliott, de Kanye West et J Dilla. Tous ces super producteurs ont permis au rap de prendre une toute autre dimension, n’hésitant pas à faire des productions avec plus de sonorité loin de l’héritage des années 90 où la variété n’était pas très commune. On les appelle super producteurs car c’est l’époque des premiers cartons niveau ventes d’albums et de single.
Les années 2000 et 2010 sont l’occasion de faire connaitre des nouveaux artistes avec l’essor des mixtapes. Son seul souci c’est l’ombre que cela produit aux maisons de disque et complique les droits d’auteurs. C’est pourtant à cette époque que trois des rappeurs les plus importants de la décennie pointent le bout de leur nez, TI fait naître la trap d’Atlanta, Lil Wayne représente un collectif bourré de talent et 50 cents, Dr Dre et Eminem détruisent tout sur leur passage.
Thèmes, outils, rivalités, tout y est
C’est une encyclopédie du rap qui présente les artistes, les producteurs mais pas seulement. En effet, les outils de productions comme les 808, les toutes premières tables de mixages, la galère de trouver du matos, tout y est pour montrer l’origine réel du rap, loin des clichés des rappeurs milliardaires d’aujourd’hui. Les casettes qui tournaient en voiture dans toute la ville pour faire connaître les artistes, l’enregistrement des mixtapes, vendus à la sauvette, et la vente dans le marché de rue de New York, les coups de chances aussi, tout y est pour comprendre d’où vient le Hip-Hop.

Que vous soyez un grand fan de Hip-Hop et que vous connaissez par cœur le couplet de NAS dans It Was Written ou bien que vous soyez un débutant, voyant 2PAC uniquement sur des t-shirts, ce documentaire est fait pour vous.
Pendant quatre saisons nous sommes plongés dans l’ambiance de l’époque, la bande son est d’une très grande qualité, Shad le présentateur est pertinent, les producteurs ont réussi à réunir les principaux acteurs de ces décennies. Ce documentaire arrive à point nommé pour ce style de musique en pleine mutation. Je n’ai évidemment pas pu détailler en profondeur les épisodes, il manque des artistes, des outils que je n’ai pas réellement détaillés qui vous feront comprendre la genèse du Hip-Hop. De mon côté j’espère une saison 5, retraçant les années 2010.
Le rap a un passé, un héritage qui perdure depuis 50 ans et si vous en voulez aux puristes qui disent que le rap été mieux avant il vous suffit de regarder ce documentaire pour comprendre ce qu’ils défendent.
Benjamin Degreve